RSA : Précarité durable,
parcours en construction

Le Revenu de Solidarité Active (RSA) est un dispositif central des politiques sociales et d’insertion en France. Il constitue à la fois une aide financière de dernier recours pour les personnes sans ressources suffisantes et un levier d’accompagnement vers l’emploi pour les allocataires en capacité de travailler. Ce point vise à poser le cadre de référence réglementaire, institutionnel et opérationnel pour comprendre le fonctionnement du RSA sur le territoire de la Mission Emploi Lys-Tourcoing (MELT).

1.1 Contexte général et cadre réglementaire

Créé par la loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008, le RSA a pour finalité :

  • D’assurer à ses bénéficiaires un revenu minimum garanti ;
  • De les accompagner dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle.

Le RSA est versé par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) ou la Mutualité Sociale Agricole (MSA), selon le régime d’affiliation du bénéficiaire, et son versement est sous condition de ressources, de résidence stable en France, et d’âge (18 ans minimum).

Il existe deux volets :

  • RSA socle : pour les personnes sans revenu d’activité ;
  • RSA activité (fusionné depuis 2016 avec la prime d’activité).

Le rôle central du Département

Le Département du Nord, comme tous les conseils départementaux, est le chef de file de la politique d’insertion liée au RSA. Il finance l’allocation (hors part versée par l’État pour les jeunes parents), organise le repérage des publics et pilote le parcours d’accompagnement des bénéficiaires.

À ce titre, il a pour mission de :

  • Désigner un référent unique pour chaque allocataire ;
  • Mettre en œuvre des programmes d’insertion (PLIE, SIEG, chantiers, etc.) ;
  • Contractualiser avec les bénéficiaires un Contrat d’Engagement Réciproque (CER) ;
  • Coordonner les acteurs de l’insertion : France Travail, Missions Locales, CCAS, SIAE, associations…

Les obligations d’accompagnement et d’activité

Les bénéficiaires du RSA tenus aux droits et devoirs (public « socioprofessionnel ») doivent :

  • S’inscrire dans un parcours d’accompagnement,
  • Participer activement aux démarches d’insertion définies dans leur contrat,
  • Accepter les offres d’emploi, de formation, d’immersion proposées.

Depuis la loi du 1er décembre 2008, la logique du RSA s’inscrit dans le principe d’une contrepartie : une aide financière en échange d’un engagement à construire un parcours d’autonomie.

En cas de non-respect des obligations, des sanctions financières peuvent être appliquées (suspension, réduction partielle).

La réforme “France Travail” et ses impacts à venir

Le plan “France Travail” (loi promulguée en décembre 2023) transforme en profondeur le fonctionnement du RSA à partir de 2024–2025, avec :

  • L’inscription obligatoire des allocataires à France Travail (ex-Pôle emploi), y compris ceux jusqu’alors suivis par les Départements ou les Missions Locales.
  • L’instauration d’une activité hebdomadaire minimale de 15 à 20 heures, sauf en cas de dérogation (santé, parentalité…).
  • Un parcours unique d’accompagnement, avec référent désigné, diagnostic partagé et plan d’action individualisé.
  • L’obligation pour les territoires d’expérimenter de nouveaux modèles de coordination entre les structures (insertion, emploi, formation, santé…).

Ce cadre renforce l’exigence de coordination entre le Département du Nord, France Travail, la MELT et les partenaires sociaux, notamment pour l’accueil et l’accompagnement des jeunes allocataires (18–25 ans) et parents isolés suivis en Mission Locale.

Le RSA, plus qu’une allocation, est un outil d’accès à l’autonomie, qui suppose l’engagement du bénéficiaire et la mobilisation de l’écosystème d’insertion local.

Avec la réforme en cours, il devient un dispositif structurant du Service Public de l’Emploi rénové, dans lequel la Mission Locale Lys-Tourcoing devra pleinement affirmer sa fonction d’accompagnement renforcé, de coordination territoriale et d’innovation sociale.

1.2 Données de cadrage – situation sur le territoire

À Tourcoing, en 2023, on dénombre 5 950 bénéficiaires du RSA, représentant 6,0 % de la population.

Parmi eux, 5 235 perçoivent le RSA socle (5,3 %) et 715 le RSA majoré (0,7 %).

À l’échelle du territoire de la MELT, une estimation basée sur les données disponibles suggère que le nombre total de bénéficiaires du RSA pourrait être significatif, notamment en raison de la présence de quartiers prioritaires et de zones à forte précarité.​

Taux de recours au RSA

Les quartiers prioritaires de Tourcoing, tels que l’Épidème et le Virolois, présentent une concentration notable de bénéficiaires du RSA.

Une expérimentation lancée en 2022 a ciblé ces quartiers, impliquant environ 3 000 allocataires du RSA, dont tous les nouveaux bénéficiaires et ceux résidant spécifiquement dans ces zones.

Répartition par âge, sexe et composition familiale

Les données nationales indiquent que les bénéficiaires du RSA sont majoritairement des personnes seules sans enfant (61 %) et des familles monoparentales (24 %).

Bien que des données spécifiques pour Tourcoing ne soient pas détaillées dans les sources disponibles, il est probable que la répartition locale reflète ces tendances, avec une surreprésentation des femmes, notamment en raison du RSA majoré destiné aux parents isolés.​

Durée d’ancienneté dans le dispositif

À l’échelle nationale, 86 % des bénéficiaires soumis aux droits et devoirs sont orientés vers un organisme d’accompagnement. Cette proportion augmente avec l’ancienneté dans le RSA : 57 % pour ceux ayant moins de six mois d’ancienneté, 82 % entre six mois et un an, et 90 % pour ceux avec un an ou plus.

Bien que des données spécifiques pour Tourcoing ne soient pas fournies, il est plausible que des tendances similaires soient observées localement.

Données spécifiques à Tourcoing et aux QPV

Tourcoing présente un taux de pauvreté de 27 %, supérieur à la moyenne nationale, avec un revenu médian de 16 770 €, contre 21 110 € au niveau national.

Les quartiers prioritaires, tels que l’Épidème et le Virolois, concentrent une part significative des bénéficiaires du RSA, justifiant des actions ciblées, comme l’expérimentation mentionnée précédemment.

1.3 Profil socioprofessionnel des allocataires

Le profil des bénéficiaires du RSA à Tourcoing, commune la plus peuplée du territoire MELT, permet d’objectiver les besoins en accompagnement et en leviers d’insertion. Grâce aux données locales et départementales consolidées (DREETS, CAF, CCAS Tourcoing, Insee), on peut établir un portrait précis de ces publics, tant en termes de composition familiale, de durée d’allocation, d’âge, que de lien à l’emploi.

Nombre et part des bénéficiaires dans la population

En 2023, la ville de Tourcoing comptait 5 950 foyers allocataires du RSA, soit 6,0 % de la population. Ce chiffre est en diminution constante depuis 2017 :

Cette décroissance s’inscrit dans une dynamique départementale positive (le Nord est passé de 106000 à 90000 allocataires entre 2016 et 2024), bien qu’il reste un des départements les plus concernés de France. Tourcoing demeure au-dessus de la moyenne des villes de même strate, où l’on comptabilise 2886 foyers RSA en moyenne (contre 6358 à Tourcoing – Insee 2019).

Répartition par âge

Le RSA à Tourcoing concerne en majorité les 25–39 ans, qui représentent la classe d’âge la plus touchée :

  • Plus de 50 % des allocataires ont entre 25 et 39 ans (vs. 48 % en moyenne dans le Nord).
  • La part des moins de 25 ans est légèrement plus élevée qu’au niveau départemental (effet “jeunesse” de la population tourquennoise).
  • Les 40–59 ans sont sous-représentés par rapport à la moyenne du département, ce qui reflète une plus faible ancienneté dans l’emploi ou une précarité plus précoce.

Cela conforte l’idée d’un bassin de précarité concentré chez les jeunes adultes, ce qui justifie pleinement le rôle pivot de la Mission Locale auprès des jeunes bénéficiaires (18–25 ans, jeunes parents…).

Hommes femme RSA

Ancienneté dans le dispositif

Tourcoing

Nord

Plus de 6 allocataires sur 10 sont inscrits dans le RSA depuis plus de trois ans, ce qui révèle un ancrage dans la précarité de longue durée. Il s’agit d’un public pour lequel l’insertion est plus difficile, et qui nécessite un accompagnement renforcé, de type global ou intensif.

Composition familiale

Tourcoing

Nord

Les hommes seuls et les familles monoparentales (souvent des femmes seules avec enfants) représentent près de 70 % des foyers allocataires à Tourcoing. Cette composition confirme :

  • La prévalence de l’isolement social,
  • Le poids de la parentalité précoce ou non accompagnée dans les parcours de précarité,
  • L’intérêt de dispositifs spécifiques pour les jeunes parents (accompagnement santé, logement, garde d’enfant, CEJ jeunes parents…).

Lien avec l’emploi et le chômage local

Cette situation de sur-chômage structurel à Tourcoing contribue au maintien d’un nombre élevé d’allocataires RSA. Ce chômage touche :

  • Les jeunes peu qualifiés,
  • Les personnes éloignées de l’emploi depuis plusieurs années,
  • Les travailleurs âgés ou en rupture professionnelle.

Synthèse des profils-types à Tourcoing

Le profil dominant des allocataires du RSA à Tourcoing peut être résumé comme suit :

  • Jeune adulte entre 25 et 39 ans,
  • Parent isolé ou personne seule,
  • Sans emploi depuis plusieurs années (> 3 ans),
  • Faiblement diplômé (souvent sans qualification),
  • Résidant en quartier prioritaire ou en zone de forte précarité.
Homme 35 ans

1.4 Parcours d’accompagnement

L’accompagnement des bénéficiaires du RSA sur le territoire de la MELT – et plus particulièrement à Tourcoing – repose sur un dispositif partenarial structuré, piloté par le Département du Nord. Il mobilise une diversité d’acteurs sociaux, professionnels et institutionnels.

Depuis 2023, Tourcoing est l’un des 19 territoires expérimentateurs de la réforme dite du « RSA rénové », qui vise à refonder le parcours d’insertion des allocataires autour d’une logique d’engagement, d’activité et de coopération renforcée.

Organisation classique de l’accompagnement

Le parcours d’un bénéficiaire RSA repose historiquement sur les éléments suivants :

Le repérage et l’ouverture de droits

  • Réalisé par la CAF ou la MSA, qui verse l’allocation.
  • Transmission du dossier au Département, qui désigne un référent unique d’insertion.

L’orientation vers un accompagnement

En fonction du diagnostic initial, l’allocataire est orienté :

  • Soit vers un accompagnement socio-professionnel (France Travail, Missions Locales, PLIE, SIAE…) ;
  • Soit vers un accompagnement social (CCAS, CMS, associations spécialisées).

Cette orientation repose sur la situation du foyer, la distance à l’emploi, l’état de santé, le niveau de formation, etc.

Le contrat d’engagement (CER ou PPAE)

  • Signature d’un Contrat d’Engagement Réciproque (CER) ou d’un PPAE.
  • Formalisation des étapes du parcours : formation, démarches, PMSMP, levée des freins, etc.
  • Objectif : conduire progressivement le bénéficiaire vers l’insertion sociale, professionnelle ou citoyenne.

Acteurs référents sur le territoire de la MELT

Sur le territoire, plusieurs structures assurent la fonction de référent RSA, en lien avec le Département :

L’expérimentation RSA rénové à Tourcoing

Depuis janvier 2023, la ville de Tourcoing fait partie des 19 territoires expérimentateurs du RSA rénové, dans le cadre de la réforme « France Travail ». Elle est la seule commune des Hauts-de-France retenue à ce titre.

Principes de l’expérimentation :

  • Inscription obligatoire à France Travail de tous les bénéficiaires (y compris ceux auparavant suivis par CCAS, Missions Locales, etc.).
  • Élaboration d’un diagnostic partagé par les acteurs locaux et d’un plan d’action individualisé.
  • Engagement à réaliser entre 15 et 20 heures d’activité hebdomadaire, comprenant :
    • Ateliers collectifs,
    • Immersions en entreprise (PMSMP),
    • Formations,
    • Démarches actives de recherche d’emploi.

Public ciblé à Tourcoing :

  • Environ 3 000 bénéficiaires du RSA concernés en 2023, dont :
    • Tous les nouveaux allocataires du RSA,
    • Les habitants des quartiers de l’Épidème et du Virolois, choisis pour expérimenter la logique de « territoire complet ».

Objectifs opérationnels :

  • Favoriser l’entrée dans l’activité de publics durablement éloignés de l’emploi,
  • Réduire le non-recours à l’accompagnement (actuellement estimé à 20-25 %),
  • Fluidifier les échanges entre partenaires via un outil numérique commun (France Travail),
  • Responsabiliser et valoriser les parcours des allocataires, en clarifiant les droits et devoirs.